Sos pour le foulard sénégalais, un héros en perdition par Ibou Fall

Publié le par Les Moussors de Awa, À chacune son Moussor

Le foulard africain, une tradition qui signifie élégance Thème: Nuances d'ébène  Modèle: Isseu Diop - Make up: Chana Deeva - Accessoires: SIK'Ana Photo: MLK Photography

Le foulard africain, une tradition qui signifie élégance Thème: Nuances d'ébène Modèle: Isseu Diop - Make up: Chana Deeva - Accessoires: SIK'Ana Photo: MLK Photography

Le foulard sénégalais, une façon de communiquer

Plus qu'un accessoire esthétique qui rend la femme séduisante, majestueuse et distinguée, le foulard a des significations culturelles fortement symboliques. IBOU FALL lance un SOS et nous régale avec son magnifique texte.

 Qui est Ibou Fall?

Cet homme à la belle plume est un auteur et activiste sénégalais qui nous replonge dans ce que nous avons de plus cher: apprécier notre culture, nos richesses, nous les réapproprier.

Pourquoi sauver le foulard de nos mamans?

Je le rassure avant ce texte Les Moussors de Awa apporte sa pierre pour renforcer notre héritage.Les jeunes filles le réadapte, les femmes, les hommes oui et ils sont bien élégants.

Le foulard, symbole de statut social plus élégant que le hijab: ADIEU « TAGAL », « FÎTOU », « KÂLA », « BALÂGAL »…je dis non! Vive le Moussor, le Turban Photo: MLK Photography

Le foulard, symbole de statut social plus élégant que le hijab: ADIEU « TAGAL », « FÎTOU », « KÂLA », « BALÂGAL »…je dis non! Vive le Moussor, le Turban Photo: MLK Photography

Sénégalaiseries : quel sort pour le « moussor », 
ce résistant ultime ?

Sur la place du Souvenir africain se tient une exposition des grandes figures africaines. Ça se passe sur la Corniche à Fann, non loin de l’Institut fondamental de l’Afrique noire, IFAN Cheikh Anta Diop, où le défunt célébrissime égyptologue a été consigné toute sa carrière de chercheur. Ce sont les figures considérées comme les icônes de la résistance à l’oppresseur colonial. 
Parmi elles, Cléopâtre. Celle « dont la taille du nez a changé la face du monde ».

Elle trône parmi les résistants, sous les traits d’une …toubab. Une Blanche, si vous préférez. Liz Taylor, super star mythique d’Hollywood, lui a définitivement prêté ses traits depuis 1963. Ce n’est donc pas Cléopâtre mais bien Elisabeth Taylor, l’actrice aux yeux violets, qui siège Place du Souvenir africain. Une hérésie que l’on doit surtout à la nomination d’une certaine Hadja Sy Bâ, comme directrice de ce département exaltant de la Culture. Pour qui ne la connait pas, cette brave dame a démarré dans la vie publique comme chanteuse de variétés. Son gazouillis a laissé dériver une carrière peu prometteuse jusqu’aux dangereux récifs de la télévision. Mais la dame sait sans doute manœuvrer… Sa plastique aidant, elle s’est mise à présenter une émission sur le genre. Tremplin pour la gloire : elle finit comme directrice de la Place du Souvenir africain. Ah, les voies du Seigneur ! En attendant que la carrière politique qu’elle vient d’entamer décolle, nous resterons stoïques devant le spectacle qu’elle nous sert : Liz Taylor, légendaire résistante africaine… Le pauvre Cheikh Anta Diop, infatigable plaideur des cultures nègres, aura fait tout ça pour ça !

Rendons à l'histoire ce qui lui appartient: nous avons nos icônes nos reines portaient si fièrement le foulard symbole d'affirmation et de contestation contre l'envahisseur. Couvre chef sud africain Photo:Luciano Cutullé

Rendons à l'histoire ce qui lui appartient: nous avons nos icônes nos reines portaient si fièrement le foulard symbole d'affirmation et de contestation contre l'envahisseur. Couvre chef sud africain Photo:Luciano Cutullé

L'invasion du Hijab

Tout ceci pour dire que ce ne sont pas les icônes qui nous manquent. Juste que nous ne savons plus les regarder. Nous ne les voyons plus. Notre regard est perdu si loin de chez nous. Entre les paillardises hollywoodiennes et les sermons répressifs de La Mecque… 
Il en est ainsi de l’invasion du hidjab, le foulard islamique, d’origine arabe, que les Sénégalaises se sont mises à aduler, en signe de résistance à l’oppression masculine.

Ah, les Sénégalais, ces pervers ! Dans pas longtemps, ils n’auront même plus droit à un bout d’oreille sur lequel fantasmer ou une mèche de cheveu qui ferait bander : ça inspirerait tellement de cochoncetés à cette vermine païenne ! Le message doit passer : les Sénégalaises, ces musulmanes irréprochables ne veulent plus passer pour des poupées gonflables. Elles exigent de ces polygames incurables que sont les Sénégalais, de la considération halal. Balancés aux poubelles, les foulards de chez nous, qui n’expriment pas de manière aussi tranchée la révolution asexuée à laquelle les austères génitrices appellent ce petit monde de queutards en perdition.

De l'autre coté de l'Atlantique je fais appréciér le foulard sénégalais symbole de canon de beauté. Faire revivre une autre façon de porter le foulard dans le monde: Festival à Dubai

De l'autre coté de l'Atlantique je fais appréciér le foulard sénégalais symbole de canon de beauté. Faire revivre une autre façon de porter le foulard dans le monde: Festival à Dubai

Les langages du foulard sénégalais

Moi, j’avoue mon désarroi… Avant l’invasion du mouchoir de tête arabe, je savais à quoi m’attendre quand une Sénégalaise m’arrivait droit dedans. Même de loin, rien qu’à son couvre-chef. 
Conseil sage : battez en retraite si vous en voyez une qui vous fonce dessus avec son « fîtou », c’est-à-dire un petit bout d’étoffe qui ne cache ni cheveux, ni oreilles, avec un nœud sommaire sur le front : la furie s’apprête à vous faire passer un sale quart d’heure, croyez-moi. 
Ne vous permettez pas de familiarité (genre tapoter les fesses) quand votre douce moitié porte orgueilleusement son « tagal ». Comprenez cet immense foulard qui se dresse vers les cieux et dont la sophistication des nœuds en jette. C’est son grand moment d’épate, de séduction… A cet instant précis, elle ne veut pas moins que conquérir le monde ! 
 

Les Moussors de Awa vous dit:"Ibou Fall soit rassuré!" ce résistant ultime continuera à vivre DEKAL THIOSSANE

Les Moussors de Awa vous dit:"Ibou Fall soit rassuré!" ce résistant ultime continuera à vivre DEKAL THIOSSANE

KALA, BALÂGAL...

En mode « kâla », vous comprendrez que l’instant est solennel. Soit quelqu’un est mort, soit c’est un « kilifa » de chez les « kilifa » qu’elle s’apprête à rencontrer. En général, c’est son marabout ou son beau-père. Il n’y a pas même de nœud, signe d’humilité et de sobriété… On passe juste un pan du foulard par-dessus l’épaule qui ne laisse rien paraître : ni cheveu, ni oreille. 
Parfois, pause pipi ou pause tendresse, elle se dandine en « balâgal ». Le foulard pend des deux côtés, même pas de nœud. Si vous lui pincez le téton en lui faisant votre œil lubrique de thiof frit, elle tolèrera…
Mais celle qui a toujours forcé mon admiration, de toutes ces coiffes, c’est quand, cheveux en bataille (depuis lesquels parfois pend un talisman) elles tombent le foulard pour s’en ceindre les reins. Toute la détermination de la Sénégalaise s’y exhibe, celle que l’on côtoie au quotidien : protectrice, travailleuse, courageuse, obstinée, fière de ce qu’elle est. En un mot, la Sénégalaise.

Sos pour le foulard sénégalais, un héros en perdition par Ibou Fall

Dire adieu au Moussor?

Et que dire, donc, du geste de téranga d'une élégance suprême, pour vous souhaiter la bienvenue ou vous rendre les honneurs ? Elles vous tombent le foulard par terre qui vous sert de tapis rouge et vous lancent, sublime invite à parader dessus, un suave "lalal nâ la"... On n'est alors pas loin de se prendre pour un dieu.
Mesdames, nous faut-il vraiment dire adieu à ce résistant ultime, le « moussor » ?

Dekkal Thiossane sous toutes les formes: le moussor portez-le comme vous le voulez! Photo: MLK Photography

Dekkal Thiossane sous toutes les formes: le moussor portez-le comme vous le voulez! Photo: MLK Photography

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